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Suicide par immolation, absurde banalité de la violence du management, ''brutalisation'' de la société et parfois impasse idéologique.

Ça se passe aussi près de chez nous.

Cette semaine, une tentative de suicide par immolation au CPAM de Bagneux a été déjouée grâce à la vigilance des employés du centre. Voici des extraits du communiqué du Front de Gauche des Hauts de Seine :

«S'il est impossible de définir une cause unique et précise à cet acte de désespoir, il jette cependant une lumière crue sur les difficultés profondes que rencontrent les personnels et usagers de la CPAM, et qui sont aggravées par la politique austéritaire initiée par la droite et poursuivie depuis par l'actuel gouvernement.

« C'est au nom de la réduction des budgets qu'un plan prévoit la fermeture de 19 centres de la CPAM dans les Hauts de Seine. Dans nombre de ces villes le Front de gauche a participé à diverses mobilisations pour obtenir le maintien de ces centres. »

Suicide par immolation, absurde banalité de la violence du management, ''brutalisation'' de la société et parfois impasse idéologique.

[ Dessiné par Romain Boussard, http://rboussard.canalblog.com/]

Ces gestes tragiques, avec le même mode opératoire, sont de plus en plus fréquents notamment devant pôle emploi...

Cette semaine également, un idéologue historien de 78 ans, ancien de l’OAS et fréquentant avec assiduité les milieux d’extrême droite, s'est suicidé devant l’autel de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris par arme à feu.

Ma compassion va, avant tout, vers les vivants. Vers le rescapé bien sûr, mais aussi vers les familles, les témoins éclaboussés par cet indicible drame humain, ainsi qu'à l'ensemble des citoyens, qui, subissant la violence libérale, pourraient, se sentant dans une impasse, être happés par cet absurde vortex.

C'est justement parce que ce genre de drame humain reste souvent indicible, qu'il faut, pour les vivants, essayer, par des mots, retisser du sens et de l'humain. C'est le chemin que nous tenterons de suivre.

«S'il est impossible de définir une cause unique », puisque ce drame découle d'une interaction entre des facteurs sociaux et des facteurs personnels. Notre sujet ne sera donc pas de nous focaliser sur « les facteurs personnels » impossibles à documenter.

Pertinence des facteurs sociaux

En portant le regard, plutôt, sur les facteurs sociaux, nous ne versons ni dans l'idéologie, ni dans la récupération. Constatons qu'en Grèce, que l'Europe n'a pas sauvée, n'en déplaise à Hollande (conférence de presse du 16 mai), le taux de suicide, qui était peu élevé, a bondi de plus de 40%, depuis que la troïka lui a imposé une cure austéritaire pour son bien.

Si les statistiques sont toujours à prendre avec précaution, elles révéleraient que plus d'un suicide, par jour, est dû, en France, à la souffrance au travail à la ville. L'hécatombe n'est pas moins importante dans les zones rurales, là où se développent les déserts sociaux et la misère.

(www.sante-et-travail.fr)

Suicide par immolation, absurde banalité de la violence du management, ''brutalisation'' de la société et parfois impasse idéologique.

Les suicides se multiplient à pôle emploi, à France Télécom, HSBC, BNP Paribas, La Poste, EDF, Sodexho, Ed, IBM...et c. Or le lieu où l'on se donne la mort n'est jamais anodin.

Mme Parisot, sur RMC le 21 février, à la suite de deux suicides, est contrainte de faire de légers constats et dit : « les relations dans le travail se sont hypertendues ces quinze dernières années »...... «C'est plus dur pour l'entreprise de dégager des marges » se justifie-t-elle... Le coût du travail serait-il trop cher ? Serait-ce la faute de l'intransigeance des syndicats, de la CGT et de SUD particulièrement ? pourtant, la crise n'a jamais touché les plus riches.

Seul les vautours instrumentalisent les cadavres.

Si nous ne connaissons pas les motivations du plongeon de Marine Lepen dans sa piscine vide. Vu sa réaction indécente, face à cet homme qui s'est tiré une balle dans la tête devant l'autel de la cathédrale de Notre-Dame de Paris, nous gageons que son plongeon ne lui a pas remis les idées en place.

En magnifiant l'actant et son acte (que les croyants considèrent comme un blasphème), réalise-t-elle qu'elle devient une ''pousse au suicide'' et/ou aux actes extrêmes « pour réveiller les consciences assoupies », selon les paroles posthumes du suicidé ? Les partisans de la ''manifestation pour tous'' vont-ils se faire exploser, ce dimanche 26, avec des ceintures de dynamites ? « Il faudra certainement des gestes nouveaux, spectaculaires et symboliques » avait-il écrit.

Suicide par immolation, absurde banalité de la violence du management, ''brutalisation'' de la société et parfois impasse idéologique.
Suicide par immolation, absurde banalité de la violence du management, ''brutalisation'' de la société et parfois impasse idéologique.

L'idéologie (construction qui masque le réel) de cet homme, parce que prison idéologique, n'a pu qu'exacerber son mal-être. Partisan du ''printemps français'', le message d'un islamiste, qu'il a lu sur un blog, le matin même de son acte, affirmant, que, dans 40 ans, les islamistes seraient au pouvoir en France, l'aurait fait chavirer. Comment magnifier cette réaction disproportionnée et irrationnelle ?

Si l'idéologie mortifère, qui a favorisé le suicide, peut être déconstruite.

Comment considérer un suicide, en-soi, comme étant un message politique à porter ? Alors qu'il serait souvent le symptôme douloureux d'un échec du politique.

Si, en creux,le suicide peut faire sens pour certains vivants, comment donner du sens à l'insensé ?

Suicide par immolation, absurde banalité de la violence du management, ''brutalisation'' de la société et parfois impasse idéologique.

Le suicide par arme à feu marque généralement un désir de mort extrêmement puissant. Une fois l'objet en main, il suffit presque simplement d'appuyer sur la détente. Donc ce geste, moins dans le rituel et ne demandant pas de grandes préparations, serait plus de l'ordre du pulsionnel.

La réaction des Femen, qui, le lendemain, dépoitraillées, ''en string nécessaire'' et le corps couverts de slogans antifascistes, ont parodié le suicide sur les lieux même où il fut accompli, relève moins du blasphème que d'un acte contre-mortifère. Un hymne provocateur à la vie pour conjurer la morbidité de l'acte absurde antérieur.

L'absurde banalité de la violence sociale, création destructrice libérale de l'ordre social et amoral,

Voici, une autre parole recueillie, le 16 mai, lors du rassemblement pour l'amnistie, de la bouche d'un ex-collègue et toujours camarade :« en ce moment, même les militants baissent les bras et disent de toute façon, cela ne sert à rien »... Le repli sur soi et la démotivation menace ....

Se démobiliser, pour un militant, c'est souvent glisser sur une pente dépressive. Pour certains quidams, avec lesquels nous tentons d'échanger sur les lieux de diffusion, la mobilisation est souvent impensable, la dépression perceptible : « C'est déjà assez difficile comme ça ! Et puis la politique, c'est tout du pareil au même ! On n'y comprend rien ! Rien ne changera jamais ! Ça suffit ! » (hélas ! Pas toujours adressé au bon interlocuteur)...

À (Biiiip!)..., une grande entreprise de téléphonie, qui, grâce aux pressions et harcèlements, peut ''dégraisser'', sans devoir passer par des Plans de Sauvegarde de l'emploi (PSE), qui sont, de toute façon, des Plans de Suppressions d'Emplois, l'ambiance au travail est littéralement mortelle.

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Plus de coûteux licenciements économiques, les salariés essaient de fuir au moyen de ruptures (licenciements) conventionnelles, de démissions ainsi que par … des immolations … Enfin ... des suicides en tout genre, afin de se libérer des affres du travail.

Dans cette boîte, les suicides se ramassent à la pelle sans laisser de trace. Le crime est parfait. Le CHSCT n'en entend pas parler. Les salariés tombent comme des mouches ''flitoxées''. La boîte va voir les veuves « ma pauvre dame, qu'est ce que vous allez faire avec vos enfants à charge ? ». Car la maison a les moyens de vous faire taire ! Les personnes en deuil acceptent des sommes en échange de leur silence. Les patrons embauchent des ''masterisés'' en sciences sociales'' pour accomplir ce cynique ouvrage.

Ce constat effroyable, Je l'ai recueilli de la bouche d'un témoin direct et impliqué.

Les CHSCT seront neutralisés par la mise en place de la loi sur ''la sécurisation de l'emploi'' (ANI transcrit) ; Une déléguée syndicale me dit que face à cette situation, elle compte démissionner de son poste syndicale. « Maintenant, je ne pourrai plus du tout défendre mes collègues et je suis visée par la direction ». Elle rêve de décrocher une formation qualifiante et de changer de métier. Pour quel métier ? Elle n'en sait rien.

Suicide par immolation, absurde banalité de la violence du management, ''brutalisation'' de la société et parfois impasse idéologique.

Sachant que la médecine du travail est conjointement frappée, vous réaliserez que la protection des salariés est réduite comme peau de chagrin. Les directions utilisent l'Ordre des Médecins contre ceux qui, dépourvus de tropisme patronal, cherchent simplement à faire correctement leur métier de médecin.

L’Ordre hypocrite des Médecins à la botte du patronat, qui condamne leurs confrères pour respect du serment d’Hippocrate. Un comble ! C'est le sujet d'un article de l'Humanité dimanche de la semaine dernière ( HD du 16 au 22 mai, « Ces médecins que le patronat veut faire taire », p 14)

Voilà pourquoi la lutte contre l'ANI et l'amnistie reste cruciale.

Actuellement avec ce qui est vécu comme une trahison de la part de quelques centrales syndicales, le salarié, le moral dans les chaussettes, se sent abandonné en rase campagne.

Parler cru et dru exprimer clairement une colère légitime soulage et requinque ceux à qui l'expression de la colère est confisquée, réprimée.

Suicide par immolation, absurde banalité de la violence du management, ''brutalisation'' de la société et parfois impasse idéologique.

Aliénation, oppression, répression, dépression, suicide...

Conclusion

Nous avons vu les résultats d'une société brutalisée, construction destructrice, savamment élaborée par le management et où les individus sont rendus plus vulnérables dans cette guerre permanente, y compris contre soi-même (auto-évaluation, cercle de qualité et c).

Pris en fourchette, entre plusieurs injonctions contradictoires, le salarié n'a plus les moyens de mener à bien sa mission. À cela s'ajoute régulièrement ... ces satanés entretiens 'personnalisés' avec le cadre (nouveau petit chef) ... " Alors, c'est quoi vos objectifs de qualité ?" susurre une voix obséquieuse" .."Avez-vous fait un bilan des plus et des moins ?"... Le salarié se liquéfie...

La fréquence et le nombre de dépressions au travail en Europe et en France augmentent à mesure que l'austérité s’accroît et que le management étreint, avec de plus en plus d’âpreté, la population laborieuse. La pression permanente, propice aux ''risques'' (?) psychosociaux (RPS), à la recrudescence des troubles musculo-squelettiques (TMS) et aux accidents mortels du travail (1557 d'origine professionnelle par an, voir www.sante-et-travail.fr ) crée la dépréciation de soi-même jusqu'à la détestation et ce qui s'en suit... Quel gâchis social !

Suicide par immolation, absurde banalité de la violence du management, ''brutalisation'' de la société et parfois impasse idéologique.

Des ''risques'' psychosociaux ? Non ! Au point où nous en sommes, parlons plutôt de violences sociales organisées pour briser et soumettre, provoquant une implosion de l'être . Les salariés, littéralement ''cramés'' par les conditions de vie et de travail, se consument, puis en viennent à s'immoler. Les outils forgés par Hannah Arendt sont utiles pour le comprendre (voir article dans ce blog).

La colère et la révolte collective, accompagnée de la réflexion, sont des antidotes. L'humain est un être social. Notre responsabilité, c'est d'essayer de construire ensemble un monde, plus fraternel, où la compétition et la peur du lendemain (également un moyen de coercition), seraient obsolètes. Ce qui ne résoudrait sans doute pas totalement la question du suicide et ne produirait pas automatiquement du bonheur, mais y contribuerait certainement.

Suicide par immolation, absurde banalité de la violence du management, ''brutalisation'' de la société et parfois impasse idéologique.

L'antidote suprême contre la lutte de tous contre tous, c'est la guerre de classe !

Nous la subissons pour l'instant, car nous n'en avons pas pris collectivement la mesure.

Le champ de ruines écologique et social, laissé par les prédateurs juste capables de profiter et de détruire, atteint nos vies, nos personnes.

Dans leur surdité et leur aveuglement, les puissants pousseront trop loin le bouchon. Alors, comme en Amérique latine, comme le 6 janvier 1871 avec son affiche rouge se terminant par ces mots : « Place au peuple ! Place à la Commune ! », il deviendra évident et pragmatique de construire ensemble une autre société.

La liberté ou la mort !

Suicide par immolation, absurde banalité de la violence du management, ''brutalisation'' de la société et parfois impasse idéologique.

Les résignés d'aujourd'hui, les estropiés sociaux crieront demain, comme partout où ce fut nécessaire :

« Que se vayan todos ! »

Bon courage pour la suite !

Theo DUCHON.

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Annexe :

"Un homme qui ne dispose d'aucun loisir, dont la vie toute entière, en dehors des simples interruptions purement physiques pour le sommeil, les repas, etc., est accaparée par son travail pour le capitaliste, est moins qu'une bête de somme. C'est une simple machine à produire la richesse pour autrui, écrasée physiquement et abrutie intellectuellement. Et pourtant, toute l'histoire moderne montre que le capital, si on n'y met pas obstacle, travaille sans égard ni pitié à abaisser toute la classe ouvrière à ce niveau d'extrême dégradation." (Karl Marx)

"Chasser le gogo qui est en chaque citoyen, faire en sorte que ceux qui n'utilisent pas (ou trop peu) leur citoyenneté se réveillent, refusent les conditionnements aliénants et exigent de vivre autrement, c'est en cela que consisterait la révolution dans une République qui nous propose les moyens de la citoyenneté."

Jacques Testart - Le Mur, le vélo et le citoyen - 2006

Suicide par immolation, absurde banalité de la violence du management, ''brutalisation'' de la société et parfois impasse idéologique.

"Le travail est et demeure aliénant, aliénant par nature, parce qu'il résulte d'un rapport de subordination marchande entre les individus, servant un système dont la logique est étrangère à la notion même d'humanité."

Manifeste Utopia - Avant propos d'André Gorz - 2008, page 49

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Tag(s) : #Tribune, #Risques psychosociaux, #fascisme, #Santé
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